lundi 13 février 2012

LEMONDE.FR 13.02.12

TVA sociale : qui va y gagner, qui va y perdre

 

Les modalités de la TVA sociale voulue par Nicolas Sarkozy sont désormais connues. Sous réserve des modifications qu'apporteront éventuellement les députés qui commencent lundi 13 février l'examen du projet, le transfert s'opérera d'une partie des charges patronales, vers la TVA et la CSG. Concrètement, 13,2 milliards d'euros de charges dédiées à la branche famille seront supprimées et compensées par une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA (qui passera de 19,6 % à 21,2 %) et une hausse de deux points de la CSG sur les revenus du capital.

Ce transfert aura des impacts concrets sur le pouvoir d'achat des Français. Mais pas de la même manière pour tous. Catégorie par catégorie, Le Monde détaille comment la mesure va faire des gagnants et des perdants. 

Les gagnants

Les employeurs Ce n'est pas pour rien que le Medef soutient fermement les projets actuels de l'exécutif. La baisse des charges patronales va immédiatement abaisser le coût du travail pour les employeurs. Les cotisations destinées à la branche famille, qui représentent actuellement 5,4 % du salaire, vont être totalement supprimées jusqu'à 2,1 smic, puis de manière dégressive entre 2,1 et 2,4 smic.

Pour un salarié payé 1 530 euros nets, un patron gagnera 80 euros par rapport à aujourd'hui selon les calculs du gouvernement. Le gain sera de 120 euros par mois pour un salarié payé 1 750 euros et 158 euros pour un salaire de 2 300 euros. Au dessus de ce salaire, les gains s'abaissent et finissent par disparaître complètement au-delà d'environ 2 600 euros nets.

Des barèmes qui font qu'au sein même du patronat, l'impact ne serait pas les même selon les secteurs. L'industrie, qui est pourtant censée profiter en priorité de TVA sociale, ne devrait ainsi gagner que 3,3 milliards d'euros, quand les services empocheront 8,3 milliards. Les principaux gagnants seront dans l'ordre le commerce, les services aux entreprises, puis l'industrie de biens intermédiaires.

La banque et la finance devraient même gagner 700 millions d'euros, soit plus que des secteurs comme l'agroalimentaire, l'automobile ou l'industrie des biens de consommation. Le rapporteur du projet de loi, Gilles Carrez rappelle toutefois que le secteur financier, qui n'est pas assujetti à la TVA, devra toutefois supporter la hausse de la TVA sur sa consommation de biens intermédiaires, puisqu'il ne peut pas la déduire. Le gouvernement continue pourtant d'affirmer que la hausse de la TVA ne devrait pas entraîner de hausse des prix.

Ni gagnant, ni perdant

Les retraités Les retraites du régime général et de la fonction publique sont indexées sur les prix. Au 1er janvier, elles sont ainsi augmentées d'autant que l'inflation prévisionnelle telle qu'elle est calculée par l'Insee. Si la hausse de 1,6 point de la TVA devait se traduire par une hausse des prix, les retraités devraient donc voir cette hausse répercutée dans leurs retraites.

Les allocataires de minima sociaux Comme les retraites, le RSA et l'allocation spécifique de solidarité sont généralement revalorisés en fonction de l'inflation. En ce qui concerne, l'allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse, ils ont été largement augmentés depuis 2007 pour se conformer à la promesse de Nicolas Sarkozy de les augmenter de 25 % sur le quinquennat. Tout dépend donc de la manière dont ils seront indexés par la suite.

Les perdants

Les salariés A court terme, les salariés seront probablement perdants. Si les prix augmentent, ils devraient en effet perdre en pouvoir d'achat. Toutefois, les négociations salariales au sein des entreprises sont généralement basées sur l'inflation. Les économistes estiment ainsi qu'à moyen terme, les effets s'annulent, les salariés obtenant des augmentations de salaires compensant la hausse des prix.

Les fonctionnaires Si la revalorisation des pensions de la fonction publique évoluent dans la même ampleur que ces dernières années, les fonctionnaires seront perdants. Depuis deux ans, le point d'indice de la fonction publique a ainsi été gelé. Si ce gel se poursuivait, les fonctionnaires pâtiraient d'une inflation élevée découlant de la hausse de la TVA.

Les allocataires Pour limiter les déficits, le gouvernement a décidé dans son deuxième plan de rigueur cet automne de ne revaloriser que de 1 % les prestations familiales au 1er avril. Les bénéficiaires d'allocation familiale ne verraient donc pas ces prestations suivre le niveau de l'inflation.

Un impact qui dépend très largement du comportement des employeurs

L'impact de l'instauration de la TVA sociale dépend donc essentiellement de la manière dont les employeurs vont répercuter la baisse de charges. Pour les secteurs soumis à la concurrence internationale, ils devraient normalement profiter de cette baisse pour réduire leur prix et gagner en compétitivité, ce qui devrait se traduire par une stabilité des prix TTC pour les consommateurs français.

Mais pour tous les autres secteurs, les employeurs seront sûrement moins tentés de baisser les prix que d'accroître leurs gains, augmenter les salaires ou investir. D'autant plus que le projet de loi s'est bien gardé de prévoir des contreparties à cette baisse de charges.

Pour tous les produits issus de ces secteurs, l'inflation devrait ainsi largement en pâtir. D'autant que des secteurs qui ne sont pas du tout soumis à la concurrence internationale, comme le commerce, seront très largement bénéficiaires des baisses de charges.

Jean-Baptiste Chastand

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